Devoir de collaboration dans la procédure de levée de scellés
Le Tribunal fédéral (TF) a récemment mis en ligne l’arrêt 1B_539/2019 du 19 mars 2020 (https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/de/php/aza/http/index.php?lang=de&type=highlight_simple_query&page=1&from_date=&to_date=&sort=relevance&insertion_date=&top_subcollection_aza=all&query_words=1b_539%2F2019&rank=1&azaclir=aza&highlight_docid=aza%3A%2F%2F19-03-2020-1B_539-2019&number_of_ranks=1). Ce dernier concerne une procédure de levée de scellés qui s’inscrit en marge d’une enquête fiscale spéciale, aux termes des art. 190 ss de la Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, menée par l’Administration fédérale des contributions (AFC). En bref, les recourants s’étaient opposés à la perquisition de documents et de données électroniques saisis par l’AFC, motif notamment pris qu’ils étaient couverts par le secret professionnel de l’avocat. Suite à des demandes de levée de scellés de l’AFC, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF) avait mandaté des experts externes, afin qu’ils procèdent au tri des données informatiques sur la base de mots-clés fournis par les recourants, dans le but d’identifier celles qui comportaient des contacts ou des informations relevant d’un secret professionnel ou privé. Après avoir recueilli les déterminations des recourants sur le rapport d’expertise et sur la base d’un tri manuel auquel elle avait procédé à partir des documents identifiés par ladite expertise, le Cour des plaintes du TPF avait partiellement admis les demandes de levée des scellés.
L’arrêt du TF signalé ici nous paraît intéressant, en tant qu’il comporte un certain nombre de rappels utiles pour le plaideur et permet, en outre, de tirer les enseignements suivants :
- l’arrêt du TF permet de prendre la mesure de la durée d’une procédure de levée de scellés dans la pratique : en l’espèce, il s’est écoulé plus de trois ans entre les perquisitions de l’AFC (fin 2016) et la décision du TF (mars 2020), étant d’ailleurs relevé que la cause a été renvoyée au TPF pour nouvelle décision, eu égard à l’admission partielle du recours en raison d’une violation du droit d’être entendu des recourants ;
- celui qui a demandé la mise sous scellés a l’obligation de fournir des explications circonstanciées sur l’éventuelle pertinence, respectivement le défaut d’utilité des pièces placées sous scellés. Il n’en va pas différemment lorsqu’est invoqué le secret professionnel de l’avocat, auquel cas il appartient au requérant de démontrer que le mandataire a été consulté dans le cadre d’une activité typique. L’obligation de motivation est d’autant plus importante que (i) l’autorité qui a sollicité la levée des scellés n’a pas eu accès au contenu des pièces, et (ii) les documents ou données dont la mise sous scellés a été requise sont très volumineux ou très complexes (c. 3.2.3 et les références citées) ;
- sur le fond, le TF confirme que la portée du secret professionnel de l’avocat est large : il couvre non seulement les documents ou conseils émis par l’avocat lui-même dans le cadre de son activité typique, mais également toutes les informations, faits et documents confiés par le mandant qui présentent un rapport certain avec l’exercice de la profession d’avocat, rapport qui peut être fort ténu. En revanche, la transmission à titre de simple copie d’un courrier à un avocat ne suffit pas pour considérer qu’il serait également protégé (c. 3.2.3) ;
- lorsque l’autorité qui est chargée du tri judiciaire des documents ou données sous scellés invite le requérant à fournir des mots-clés dans le but de faciliter ce tri, par exemple aux fins d’identifier les données couvertes par un secret professionnel, le requérant ne peut – à défaut de précisions de l’autorité quant au modus operandi qu’elle entend suivre – se contenter de communiquer ses mots-clés. Il appartient bien plus au requérant d’exposer spontanément et concrètement, pour chacun des documents ou données répondant aux mots-clés fournis, pour quel motif ils ne sauraient faire l’objet d’une levée de scellés. Par exemple, la seule présence du mot « avocat » ne suffit pas à faire obstacle à la levée des scellés, encore faut-il démontrer que le document concerné relève de l’activité typique. Ce devoir de collaborer est d’autant plus étendu lorsque le volume de données est élevé (en l’espèce quelque 19'000 fichiers) ;
- En outre, indépendamment de l’existence d’un secret professionnel, le requérant doit avoir le réflexe de contester d’office la pertinence des données concernées, lorsqu’il estime qu’elles ne présentent aucune utilité pour l’enquête. En effet, à défaut d’une telle contestation, le requérant court le risque que le juge du tri judiciaire retienne leur utilité potentielle et se fie à cet égard aux explications de l’autorité ayant sollicité la levée des scellés.
En conclusion, il découle des considérants de l’arrêt du TF du 19 mars 2020 qu’en cas d’incertitudes quant aux modalités pratiques de la procédure de tri judiciaire, il est recommandé de prendre contact proactivement avec l’autorité en charge de ce tri, afin de lever toute ambiguïté en ce qui concerne notamment ses attentes. En outre, le requérant doit être particulièrement attentif à l’étendue de son devoir de collaboration, tel que consacré par la jurisprudence constante du TF et qui peut faire de la procédure de levée de scellés un exercice particulièrement chronophage et onéreux.
Proposition de citation : Andrew Garbarski, Devoir de collaboration dans la procédure de levée de scellés, in : www.verwaltungsstrafrecht.ch du 16 avril 2020
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