Extension par l’AFC d’une enquête fiscale spéciale à des participants découverts en cours d’instruction
Le Tribunal fédéral (TF) a récemment mis en ligne l’arrêt 1B_603/2020 du 10 mars 2021 (https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/de/php/aza/http/index.php?highlight_docid=aza%3A%2F%2Faza://10-03-2021-1B_603-2020&lang=de&zoom=&type=show_document), lequel s’inscrit dans le cadre d’une enquête fiscale spéciale au sens des art. 190 ss de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11), menée par l’Administration fédérale des contributions (AFC). À l’origine de la procédure, le Chef du Département fédéral des finances (DFF) avait autorisé l’AFC à conduire une enquête à l’endroit de B., homme d’affaires actif dans le commerce d’œuvres d’art, et deux de ses sociétés offshore. Ils sont en substance soupçonnés d’avoir soustrait pendant plus de dix ans des montants importants de l’impôt sur le revenu, en omettant de déclarer des dividendes dissimulés.
L’autorisation du Chef du DFF, décernée en avril 2017, permettait au chef de la Division des affaires pénales et enquêtes de l’AFC (DAPE) d’étendre l’enquête à d’autres personnes – physiques ou morales – ayant collaboré avec B. et ses deux sociétés à la commission d’infractions fiscales. Le 20 octobre 2017, le Chef de la DAPE a fait usage de cette faculté et a étendu l’enquête à la recourante, personne physique domiciliée à Monaco, au motif que celle-ci avait reçu de B., par l’intermédiaire de ses deux sociétés, plusieurs dizaines de millions de francs qui n’avaient pas été déclarés par A. au titre de ses revenus alors qu’elle était domiciliée dans le canton de Genève au moment des faits.
Au terme de plusieurs échanges épistolaires avec l’AFC, la recourante a notamment conclu à la nullité absolue de l’enquête et des mesures spéciales dirigées contre elle. L’AFC ayant refusé de donner suite à cette requête, la recourante a saisi la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF) d’une plainte en application de l’art. 26 DPA. La Cour des plaintes l’a rejetée par décision du 28 octobre 2020 (BV.2020.29), laquelle a été portée devant le TF par la voie du recours en matière pénale.
Dans son recours, la recourante concluait au constat de la nullité de l’enquête ouverte à son encontre ainsi que l’annulation des séquestres ordonnés dans ce cadre, dès lors que l’enquête n’avait pas été valablement mise en œuvre, à défaut pour l’AFC de disposer d’une autorisation idoine du chef du DFF au sens de l’art. 190 LIFD.
Par arrêt du 10 mars 2021, ici signalé, le TF a rejeté le recours.
Le TF rappelle tout d’abord que la mise en œuvre par l’AFC de mesures spéciales d’enquête aux termes des art. 190 ss LIFD suppose l’existence d’un soupçon fondé de graves infractions fiscales ainsi que l’autorisation du Chef du DFF, étant précisé ce dernier statue selon le principe d’opportunité des poursuites et peut dans ce contexte se laisser guider par des considérations étrangères au droit pénal. Selon l’art. 2 al. 2 de l’ordonnance du 31 août 1992 sur les mesures spéciales d’enquête de l’AFC (OMSE ; RS 642.132), il est cependant nécessaire que l’autorisation mentionne les motifs de suspicion ainsi que les noms des personnes connues au début de l’enquête contre lesquelles celle-ci est dirigée (c. 2.1.1).
Tout en soulignant le grand pouvoir d’appréciation du Chef du DFF en la matière, le TF considère que le cadre légal des mesures spéciales d’enquête des art. 190 ss LIFD n’empêche pas le Chef du DFF de déléguer, par anticipation, au Chef de la DAPE l’examen de l’opportunité d’une extension de l’enquête aux personnes ayant participé de manière accessoire aux infractions fiscales visées par l’autorisation. Ainsi, le TF reconnaît à l’AFC la faculté d’étendre l’enquête fiscale spéciale à des participants ou d’autres éléments pertinents révélés en cours d’instruction, sans besoin d’une nouvelle autorisation formelle, à la condition qu’un lien de connexité avec les infractions visées initialement existe (c. 2.4).
Le TF considère ainsi qu’en l’espèce, le Chef de la DAPE pouvait valablement étendre à la recourante la procédure initiée contre B. et ses sociétés, étant donné qu’il était apparu au cours de l’instruction que la recourante avait probablement bénéficié de revenus non déclarés, issus de soustractions d’impôt commises par B. et ses sociétés. Par ailleurs, le TF relève que la recourante n’a pas contesté, dans son recours, les soupçons de participation pesant à son égard relativement aux infractions fiscales commises par B. et ses deux sociétés. En particulier, la recourante n’avait ni remis en cause les nombreux versements perçus de B. de plusieurs millions de francs, ni n’avait justifié l’arrière-plan d’une rémunération si importante.
L’AFC n’a ainsi pas violé le droit fédéral en estimant que les mesures spéciales d’enquête visant la recourante avaient été valablement mises en œuvre.
Proposition de citation : Andrew Garbarski/Sébastien Aubert, Extension par l’AFC d’une enquête fiscale spéciale à des participants découverts en cours d’instruction, in : www.verwaltungsstrafrecht.ch du 7 avril 2021
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