Perquisition de documents - qualité pour s’y opposer - levée des scellés (art. 50 DPA)
L’arrêt du 21 novembre 2017 (BE 2017.14), disponible sur le lien https://bstger.weblaw.ch/pdf/20171121_BE_2017_14.pdf, s’inscrit dans le cadre d’une procédure pénale menée par l’Administration fédérale des contributions, section TVA (ci-après AFC), contre B et C, organes de A GmbH, pour infraction à la LTVA (art. 96 LTVA), pour escroquerie en matière de prestations et de contributions (art. 14 DPA) et pour violation des obligations de l’art. 98 LTVA. Dans le contexte de l’instruction, les locaux de A GmbH ont été perquisitionnés et il a été notamment ordonné de mettre sous séquestre (art. 46 DPA) tous documents ou supports de données qui pourraient être utiles à la procédure en cours. La perquisition a été exécutée en présence de D, père de C. Au cours de celle-ci, D a appelé son avocat, lequel a immédiatement demandé la mise sous scellés. En arrivant sur place, C a confirmé que son père D était autorisé à signer tous documents en son nom.
En application de l’art. 50 al. 3 DPA mis en relation avec l’art. 25 al. 1 DPA, l’AFC a déposé le 13 juillet 2017 une demande de levée des scellés auprès du Tribunal pénal fédéral (ci-après TPF). A GmbH s’est abstenue de se déterminer sur cette demande dans le délai imparti par le TPF.
La demande de levée de scellés a été acceptée par le TPF, au motif que A GmbH n’avait pas respecté son obligation procédurale de motiver sa requête et notamment de rendre vraisemblable l’existence d’un secret protégé qui s’opposerait à la perquisition des données saisies (consid. 2.2). Le TPF a ainsi pu laisser ouverte la question de savoir si, en l’espèce, la requête de mise sous scellés émanait d’une personne légitimée pour le faire (consid. 2.3).
Sur cet aspect des choses, le TPF rappelle cependant incidemment que, conformément à sa jurisprudence (TPF 2016 55, consid. 2.3), seul le détenteur des documents ou données perquisitionnés (der Inhaber) a qualité pour requérir leur mise sous scellés dans le domaine du droit pénal administratif.
Cette approche restrictive, qui repose essentiellement sur l’interprétation littérale de l’art. 50 al. 3 DPA, nous semble erronée. Il en résulte d’ailleurs une différence de traitement difficilement justifiable par rapport aux procédures pénales régies par le CPP, dans lesquelles la jurisprudence constante du TF admet que « l’intéressé » mentionné à l’art. 248 al. 1 CPP ne vise pas que le détenteur des documents, mais plus largement toute personne ayant un intérêt juridique à la préservation du secret (ATF 140 IV 28, consid. 4.3.2, 4.2.4 et 4.3.5, JdT 2014 IV 206).
La doctrine plaide aussi en faveur d’un alignement du DPA sur le régime qui a cours en application du CPP (KELLER, in: Donatsch/Hansjakob/Lieber [Hrsg.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], 2. Aufl., Zürich/Bâle/Genève 2014, art. 248 CPP N. 43a ; THORMANN/BRECHBÜHL, Basler Kommentar, 2. édition., Bâle 2014, Art. 248 CPP, N. 35 f).
L’avant-projet de modification du CPP, publié le 1er décembre 2017, prévoit d’ailleurs de modifier la teneur de l’art. 248 CPP, pour y refléter la jurisprudence précitée en élargissant à « l’ayant droit » le cercle des personnes légitimées à requérir une mise sous scellés.
Les scellés ayant en effet pour finalité de protéger les secrets légitimes, c’est au premier chef le maître du secret, avant leur détenteur, qui doit se voir reconnaître le droit de les invoquer et d’en faire assurer la protection procédurale ; a fortiori, ne peut-on légitimement priver le maître du secret de tout droit à cet égard.
Proposition de citation: Alain Macaluso/Andrew Garbarski, Perquisition de documents - qualité pour s’y opposer - levée des scellés (art. 50 DPA), in: www.verwaltungsstrafrecht.ch du 18 janvier 2018
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