Procédure de levée des scellés – secret de l’organe de révision (suite et fin)
Le Tribunal fédéral (« TF ») a récemment mis en ligne un arrêt 1B_79/2019 du 3 juillet 2019, destiné à la publication (https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/fr/php/aza/http/index.php?highlight_docid=aza%3A%2F%2Faza://03-07-2019-1B_71-2019&lang=fr&zoom=&type=show_document), lequel mérite notamment d’être signalé ici en tant qu’il traite de la portée du secret de l’organe de révision comme motif d’opposition au séquestre de documents par l’autorité de poursuite et donc comme motif de la mise sous scellés des documents concernés. A notre connaissance, c’est la première fois que le TF a été amené à se prononcer sur cette question ; pour les raisons évoquées ci-après, ses considérants sont d’ailleurs utiles non seulement pour les procédures de droit pénal administratif menées à l’aune de la DPA, mais également pour les procédures pénales ordinaires conduites exclusivement en application du CPP.
En bref, l’arrêt du TF du 3 juillet 2019 fait suite au recours d’une société de révision dirigé contre la décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (« TPF ») du 14 janvier 2019 (BE.2018.15), que nous avions eu l’occasion de commenter sur ce blog (Garbarski/Macaluso, in: www.verwaltungsstrafrecht.ch du 15 février 2019). La décision querellée portait sur une demande de levée des scellés de l’Administration fédérale des contributions (« AFC »), formée dans le cadre d’une procédure de droit pénal administratif pour des soupçons de soustraction d’impôt anticipé. Au terme d’un raisonnement relativement bref, le TPF était parvenu à la conclusion, au c. 2.8.6 de sa décision précitée, qu’en « l’absence de base légale dans la DPA, consacrant expressément la protection du secret du réviseur, l’opposante ne saurait s’en prévaloir afin d’empêcher la levée des scellés dont il est question ».
A l’appui de son recours au TF, la société de révision faisait valoir, entre autres arguments, que c’était à tort que le TPF lui aurait dénié la possibilité de se prévaloir du secret de l’organe pour s’opposer à la levée des scellés, respectivement que l’intérêt au maintien de ce secret ne primerait pas la recherche de la vérité (c. 3).
Ce grief est rejeté par le TF. Certes, la violation du secret de l’organe de révision dont dispose l’art. 730b al. 2 CO est pénalement réprimée par l’art. 321 CP ; le TF constate cependant, à l’instar du TPF, que ce type de secret n’est pas mentionné à l’art. 50 al. 2 DPA (c. 3.4), lequel traite des secrets professionnels qui nécessitent que des précautions particulières soient prises en vue de leur préservation, non seulement au stade d’une perquisition, mais également par-devant l’autorité de levée des scellés (c. 2.2, 3.2 et 3.3).
En outre, tout en rappelant que, selon sa jurisprudence désormais bien établie, « les dispositions du CPP sont applicables en principe par analogie » lorsque la DPA ne règle pas exhaustivement certaines questions (c. 2.1 et les références citées), le TF relève que l’art. 41 al. 2 DPA renvoie notamment aux art. 163 à 166 et 168 à 173 CPP par analogie s’agissant de l’audition de témoins. Or, que ce soit dans les dispositions en lien avec les secrets professionnels (art. 171 CPP) ou dans la liste des dispositions légales permettant normalement de refuser de témoigner en raison d’autres devoirs de discrétion (art. 173 al. 1 CPP), le TF fait remarquer que le CPP ne fait pas non plus état du secret de l’organe de révision.
Autrement dit, les réviseurs doivent être considérés comme des détenteurs d’autres secrets protégés par la loi aux termes de l’art. 173 al. 2 1ère phrase CPP et sont donc en principe tenus de déposer, sauf s’ils sont en mesure de rendre vraisemblable, sinon de « démontrer, de manière circonstanciée » dit le TF, que l’intérêt au maintien du secret l’emporte sur celui à la manifestation de la vérité (c. 3.3 et 3.4). Dans le cas d’espèce, le TF rappelle incidemment que le devoir de confidentialité de la société de révision recourante envers sa mandante ne suffit pas pour exclure la transmission à l’AFC des pièces litigieuses. Notre Haute Cour constate ensuite que la recourante ne met en avant aucun élément susceptible d’apporter une telle démonstration, si bien que la décision de levée de scellés du TPF ne peut qu’être confirmée.
Les considérants de l’arrêt 1B_79/2019 du 3 juillet 2019 sont cohérents avec la teneur et la ratio des dispositions légales précitées et doivent, selon nous, être approuvés. Cet arrêt démontre également les liens étroits que la DPA entretient avec le CPP sur certaines questions procédurales, notamment celle de la levée des scellés. A cet égard, le rapprochement auquel tend le TF entre ces deux matières nous paraît bienvenu, notamment sous l’angle de la sécurité et de la prévisibilité du droit. En cela, ce dernier arrêt fait écho à une autre jurisprudence récente du TF (1B_487/2019 du 6 février 2019 et 1B_91/2019 du 11 juin 2019, commentés par Garbarski/Macaluso sur ce blog respectivement les 22 février 2019 et 28 juin 2019), dont il résulte, en substance, qu’à l’instar de ce qui est admis depuis longtemps en procédure pénale ordinaire, le cercle des personnes légitimées à solliciter la mise sous scellés à l’aune de la DPA s’étend également aux tiers – non-détenteurs des documents ou données concernées – disposant d’un intérêt juridiquement protégé au maintien du secret.
Proposition de citation : Andrew Garbarski/Alain Macaluso, Procédure de levée des scellés – secret de l’organe de révision (suite et fin), in : www.verwaltungsstrafrecht.ch du 26 juillet 2019
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