Assujettissement à une prestation ou à une restitution – suspension de la prescription de l’action pénale
Aux termes d’un arrêt 2C_382/2017 du 13 décembre 2018 (https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/fr/php/aza/http/index.php?lang=fr&type=highlight_simple_query&page=1&from_date=&to_date=&sort=relevance&insertion_date=&top_subcollection_aza=all&query_words=2C_382%2F2017&rank=1&azaclir=aza&highlight_docid=aza%3A%2F%2F13-12-2018-2C_382-2017&number_of_ranks=3), le Tribunal fédéral (« TF ») a notamment été amené à se prononcer sur la prescription d’une créance fiscale en matière d’impôt anticipé.
Le TF y rappelle qu’en présence d’infractions à la législation administrative fédérale, la prescription de l’assujettissement à une prestation ou à une restitution n’est pas réglée par les dispositions topiques de la loi administrative concernée, mais doit être calculée d’après la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (« DPA »). Plus précisément, selon la jurisprudence constante, citée par le TF, pour que la prescription de la créance fiscale soit examinée à l’aune de la DPA, il suffit que les conditions objectives d’une infraction à la législation administrative fédérale soient réalisées (c. 2.1 et les nombreuses références). Dans le cas d’espèce, il était question objectivement d’une soustraction de l’impôt anticipé, en lien avec des prestations appréciables en argent qui n’avaient pas été déclarées, respectivement correctement fiscalisées (c. 5).
Le principe de l’assujettissement à une prestation ou à une restitution est réglé à l’art. 12 DPA, dont l’al. 4 dispose que « tant que l’action pénale et l’exécution de la peine ne sont pas prescrites, l’assujettissement à la prestation ou à la restitution ne se prescrit pas ». Comme mentionné par le TF (c. 2.3), cette disposition fait écho à l’art. 11 DPA, qui traite de la prescription de l’action pénale en matière de contraventions. Selon l’art. 11 al. 2 DPA, « si la contravention consiste en une soustraction ou une mise en péril de contributions ou en l’obtention illicite d’un remboursement, d’une réduction ou d’une remise de contributions, le délai de prescription est de cinq ans ; si la prescription est interrompue, elle sera en tous cas acquise lorsque le délai sera dépassé de moitié ». Par le jeu de la règle de conversion ancrée à l’art. 333 al. 6 let. b CP (correspondant à l’art. 333 al. 5 let. b aCP, applicable jusqu’au 31 décembre 2006), le délai doit, en réalité, être augmenté de la durée ordinaire, ce qui le fait passer à dix ans. Cela étant, dans la mesure où cela excéderait le délai de prescription de l’action pénale applicable aux délits punissables selon la DPA, la jurisprudence a limité la durée du délai en question à sept ans (c. 2.3, avec référence à l’ATF 143 IV 228 c. 4.4). Il faut savoir, en effet, qu’à défaut de disposition spéciale prévue par la DPA, les délits relevant de cette loi se prescrivent selon les règles du Code pénal (ATF 134 IV 328 c. 2.1).
Dans la mesure où l’art. 97 al. 1 let. c CP prévoit, depuis le 1er janvier 2014, un délai de prescription de dix ans pour les délits passibles d’une peine privative de liberté de trois ans, il n’est toutefois pas certain que le plafonnement à sept ans de la prescription en matière de contraventions de la DPA, tel que décidé par le TF dans l’ATF 134 précité, se justifie encore à l’aune du droit actuel, à moins d’une intervention du législateur en ce sens (cf. infra).
Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne le point de départ du délai de prescription de l’action pénale, le TF rappelle dans l’arrêt ici signalé qu’il correspond au jour où « l’auteur a exercé son activité coupable » aux termes de l’art. 98 let. a CP. Selon la jurisprudence constante, ce jour n’est pas compté, si bien que le premier jour du délai est le lendemain de celui où l’auteur a agi (c. 2.4, avec référence à l’ATF 143 IV 228, c. 4.5). En outre, pour déterminer le point de départ de la prescription, est seul décisif le moment auquel l’auteur a exercé son activité coupable et non celui auquel se produit le résultat de cette activité, ce qui signifie que la prescription peut être acquise avant même que des actes pénalement répréhensibles n’aient produit un résultat (c. 2.4, avec référence à l’ATF 134 IV 297 c. 4, où cette question controversée a été tranchée).
Dans le cas d’espèce, l’activité coupable reprochée à la société recourante consistait en l’envoi à l’Administration fédérale des contributions (« AFC ») de ses comptes (établis de manière non conforme) pour les exercices annuels 2006 à 2009. Les comptes 2006 ayant été envoyés fin mai 2007, le délai de prescription de sept ans était arrivé à échéance à la fin du mois de mai 2014. Or, dans la mesure où l’AFC avait rendu sa décision en date du 9 avril 2014, cela a eu pour effet de suspendre dès ce moment le délai de prescription de l’action pénale et, par voie de conséquence, celle de la créance fiscale en application de l’art. 11 al. 3 DPA. Il faut savoir en effet que la jurisprudence récente (ATF 143 IV 228, c. 5) a interprété cette disposition légale en ce sens que la notion de « procédure de réclamation » à laquelle elle fait référence doit être comprise comme étant la procédure qui commence à courir dès le prononcé de la décision de l’autorité fiscale reconnaissant le contribuable débiteur de la créance fiscale litigieuse.
Comme le démontrent l’arrêt 2C_382/2017 ainsi que les jurisprudences récentes rappelées ci-dessus, l’art. 11 DPA se distancie à plusieurs égards du régime ordinaire de la prescription tel qu’il découle de l’art. 97 CP et nécessite de faire appel à une certaine gymnastique intellectuelle, qui implique également que l’on sache jongler avec les règles de conversion prévues à l’art 333 al. 6 CP.
Dans le cadre de son Message publié le 25 avril 2018 à l’appui du projet de loi fédérale sur l’harmonisation des peines et de loi fédérale sur l’adaptation du droit pénal accessoire au droit des sanctions modifié (FF 2018, 2889 ss), le Conseil fédéral (« CF ») a d’ailleurs reconnu que « la situation est devenue si complexe dans le domaine du droit de la prescription qu’elle devient incompréhensible pour le citoyen ». Fort de ce constat, le CF estime qu’il faut « rétablir une règle simple et uniforme, telle qu’elle existe dans le code pénal » (FF 2018, 2965). En substance, le projet du CF prévoit de modifier l’art. 11 DPA, de sorte que les contraventions soient à l’avenir soumises à un délai de prescription de quatre ans, à moins qu’elles ne consistent en une soustraction ou une mise en péril de contributions ou en l’obtention illicite d’un remboursement, d’une réduction ou d’une remise de contributions, auquel cas le délai de prescription sera de sept ans, un tel délai étant jugé suffisant (FF 2018, 3112). A teneur du projet précité, il est en outre proposé de conserver le mécanisme de suspension ancré à l’art. 11 al. 3 DPA et de l’élargir explicitement aux autres catégories d’infractions, notamment les délits et les crimes (FF 2018, 2966).
Proposition de citation: Andrew Garbarski/Alain Macaluso, Assujettissement à une prestation ou à une restitution – suspension de la prescription de l’action pénale, in: www.verwaltungsstrafrecht.ch du 31 janvier 2019.
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