Avis du Conseil fédéral du 4 juillet 2018 concernant la modification projetée de l’art. 53 du Code pénal
Pour rappel, dans sa teneur actuellement en vigueur, l’art. 53 du Code pénal (CP), intitulé « Réparation », permet à l’autorité compétente de renoncer à poursuivre, à renvoyer devant le juge ou à infliger une peine à l’auteur lorsque ce dernier a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort causé, si (a) les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42 CP) sont remplies, et (b) l’intérêt public et l’intérêt du lésé à poursuivre l’auteur pénalement sont peu importants (pour plus de détails, voir Garbarski/Rutschmann, RPS 2016, 171 ss).
Le Conseil fédéral (CF) a publié en date du 4 juillet 2018 un avis (disponible sous le lien suivant: https://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/aktuell/news/2018/2018-07-040.html), par lequel il a marqué approuver la modification de l’art. 53 CP, telle que projetée par la Commission des affaires juridiques du Conseil national et visant à rendre plus sévères les conditions d’application de cette norme. En bref, la proposition majoritaire de la Commission consiste à limiter le champ de l’art. 53 CP aux cas où la peine encourue par l’auteur est une peine privative de liberté avec sursis d’un an au plus (au lieu de deux ans selon le droit actuel), une peine pécuniaire avec sursis ou une amende. La mention de l’amende vise à préciser que l’art. 53 CP s’applique aussi en cas de contravention ou de responsabilité de l’entreprise selon l’art. 102 CP. En outre, la modification projetée de l’art. 53 CP vise à insérer une nouvelle condition, à savoir l’admission par l’auteur des faits qui lui sont reprochés.
La présente n’a pas vocation à prendre position de manière détaillée sur la modification précitée, laquelle pourrait donner lieu à des débats nourris au Parlement.
On se bornera donc à relever ici que, du point de vue du droit pénal administratif tout particulièrement, la proposition de faire explicitement référence à l’« amende » dans le texte de l’art. 53 CP doit être saluée, car elle permettra de dissiper tout doute quant à l’application de cette disposition aux infractions de degré contraventionnel, lesquelles constituent l’immense majorité des (nombreuses) infractions pénales qui relèvent de ce domaine. En effet, de lege lata, certaines administrations fédérales chargées de la poursuite et du jugement d’infractions de droit pénal administratif refusent d’entrer en matière sur la réparation selon l’art. 53 CP en présence d’une contravention, essentiellement au motif que l’art. 42 CP, concernant le sursis, ne mentionnerait pas l’amende. La situation actuelle n’est pas satisfaisante, car elle est source d’incertitudes et d’inégalités de traitement en fonction du domaine visé et de l’autorité en charge de la poursuite.
La mention de l’amende à l’art. 53 CP permettra aussi de clarifier son application en matière de responsabilité pénale de l’entreprise aux termes de l’art. 102 al. 1 CP, étant rappelé que cette disposition est aussi amenée à jouer un rôle dans le domaine du droit pénal administratif, compte tenu du renvoi de l’art. 2 de la Loi fédérale sur le droit pénal administratif à la partie générale du CP.
L’exigence selon laquelle l’auteur doit avoir admis les faits qui lui sont reprochés nous paraît, en revanche, aller trop loin et pourrait se révéler contreproductive en pratique. Quand bien même l’avis du CF publié le 4 juillet 2018 se veut sans doute rassurant en soulignant que l’aveu de l’auteur s’inscrit dans le cadre de l’appréciation hypothétique à laquelle l’autorité compétente doit se livrer quant à sa culpabilité, sans donc requérir que cette dernière ne soit en tant que telle établie, cet exercice d’analyse et de projection nous semble difficilement conciliable avec le but de l’art. 53 CP. En effet, l’intérêt de l’institution de la réparation réside précisément pour le prévenu dans le fait que la loi n’exige en l’état actuel des choses ni repentir sincère, ni aveux. Si le prévenu doit dorénavant admettre les faits – et il faudra veiller de près à la portée exacte qui sera donnée à cette notion lors de la parution du Message du CF et du projet de loi – il pourrait préférer aller au terme de la procédure menée contre lui, notamment pour se mettre à l’abri de conséquences civiles ou réglementaires qu’une telle admission pourrait entraîner, alors même que l’éventuel lésé partie à la procédure pénale (i) aurait déjà manifesté son accord avec la réparation proposée par le prévenu et (ii) n’aurait pas érigé en condition la reconnaissance des faits par l’intéressé. En outre, si l’autorité de poursuite compétente devait aboutir à la conclusion dans le cadre de son analyse hypothétique que la culpabilité n’est à l’évidence pas réalisée, se poserait alors la question de savoir si elle ne devrait pas en informer le prévenu (et les éventuelles autres parties) en application du principe de la bonne foi et prononcer purement et simplement le classement de la procédure pour défaut de prévention pénale.
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