Procédure de levée des scellés – élargissement aux tiers non-détenteurs, touchés dans leurs intérêts juridiquement protégés (suite et fin)
Le Tribunal fédéral (TF) vient de mettre en ligne un arrêt 1B_91/2019 du 11 juin 2019 (https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/fr/php/aza/http/index.php?highlight_docid=aza%3A%2F%2Faza://11-06-2019-1B_91-2019&lang=fr&zoom=&type=show_document), rendu dans le cadre d’une procédure de levée des scellés initiée par l’Administration fédérale des contributions (AFC). En bref, à la suite de perquisitions menées par l’AFC dans les locaux de plusieurs sociétés, au cours desquelles des documents avaient été saisis, opposition a été formée en août 2017 (motif pris du secret professionnel de l’avocat) et des scellés ont été apposés sur les pièces litigieuses, en application de l’art. 50 DPA. En septembre 2018, l’AFC a déposé une requête de levée des scellés au Tribunal pénal fédéral (TPF), formellement dirigée contre A., dont on comprend à la lecture de la décision du TPF qu’il contrôle les sociétés ayant fait l’objet des perquisitions. Par décision du 22 janvier 2019 (cause BE.2018.12), le TPF a déclaré irrecevable la requête de l’AFC tendant à la levée des scellés, au motif qu’elle n’aurait pas dû être dirigée contre A., mais contre les sociétés susvisées en tant que détentrices des documents concernés (c. 1.4 et 2). Le TPF rappelle à l’appui de la décision précitée que, selon sa jurisprudence constante rendue à l’aune de l’art. 50 DPA, « […] seul le détenteur des papiers est légitimé à s’opposer à la perquisition, à l’exclusion – notamment – de l’inculpé […] ».
Saisi d’un recours en matière pénale de l’AFC, le TF casse la décision de la Cour des plaintes du TPF et lui renvoie la cause pour qu’elle statue sur la requête de levée des scellés de l’administration. Reprenant très largement les développements consacrés dans un arrêt du 6 février 2019 (1B_487/2018), que nous avions eu l’occasion de commenter sur ce blog (https://verwaltungsstrafrecht.ch/de/kategorien/droit-de-procedure-penale-administrative/procedure-de-levee-des-scelles-elargissement-aux-tiers-non-detenteurs-touches-dans-leurs-interets-juridiquement-proteges), le TF rappelle que même si la procédure de levée des scellés en droit pénal administratif concerne en premier lieu le détenteur des documents et/ou des objets placés sous scellés, c’est-à-dire celui qui en a la maîtrise effective, « le droit de défendre ses droits en lien avec une perquisition peut toutefois exceptionnellement être reconnu indépendamment d’un rapport de possession, soit notamment lorsque la personne fait valoir un intérêt juridiquement protégé au maintien du secret sur les pièces saisies […] : tel peut être le cas de celui qui démontre subir une atteinte directe, immédiate et personnelle » (c. 2.2 et les nombreuses références citées. C’est nous qui mettons en évidence).
En transposant ces considérations au cas d’espèce, le TF aboutit logiquement à la conclusion que A. ne pouvait être écarté de la procédure de levée des scellés, au seul motif qu’il n’était peut-être pas détenteur ou co-détenteur des documents saisis, respectivement qu’il n’aurait pas manifesté formellement son opposition à la mesure de perquisition. Dans la mesure où A. s’était prévalu au cours de la procédure menée par l’AFC du secret professionnel de l’avocat en relation avec les pièces placées sous scellés et visées par la procédure de levée des scellés, le TF considère que, « sauf à faire preuve de formalisme excessif, ainsi qu’à violer le principe d’économie de procédure », le TPF aurait dû l’admettre en tant que partie à la procédure de levée de scellés afin qu’il puisse faire valoir immédiatement ses moyens en lien avec les pièces litigieuses. Le TF constate, par ailleurs, qu’on ne pouvait reprocher à A. de n’avoir pas agi en temps utile ni de n’avoir pas manifesté sa volonté de participer à cette procédure, puisqu’il avait notamment pris part aux perquisitions par l’intermédiaire de ses conseils et participé au tri de documents organisé en août 2017 par l’AFC (c. 2.4).
L’arrêt 1B_91/2019 ici rapporté s’inscrit donc, en définitive, dans la droite ligne de la jurisprudence la plus récente du TF, notamment de l’arrêt 1B_487/2018 du 6 février 2019. Cette jurisprudence doit être saluée. Elle confirme, en effet, de manière univoque que le traitement réservé par la DPA aux tiers disposant d’un intérêt juridique à s’opposer, par une demande de mise sous scellés, à la perquisition ou au séquestre d’informations couvertes notamment par un secret légalement protégé, doit être calqué sur le régime qui prévaut à l’aune du CPP.
La pratique divergente, et à notre sens juridiquement injustifiée, suivie jusqu’alors par le TPF, y compris dans sa décision du 22 janvier 2019, semble donc définitivement caduque. Cela permet un nouveau rapprochement bienvenu entre la DPA et les règles ordinaires de la procédure pénale, allant dans le sens d’un renforcement des droits des parties et des tiers intéressés.
Proposition de citation: Andrew Garbarski/Alain Macaluso, Procédure de levée des scellés – élargissement aux tiers non-détenteurs, touchés dans leurs intérêts juridiquement protégés (suite et fin), in: www.verwaltungsstrafrecht.ch du 28 juin 2019
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